Le Potager
Pièce maîtresse du projet d’envergure imaginé par Joachim Carvallo pour les jardins de Villandry, le Potager d’Ornement assure la liaison stylistique entre le château et son écrin végétal pensé comme un hommage à l’art français du jardin. Il est aussi un témoignage de la renaissance des jardins de Villandry au XXe siècle.
Le Potager est le jardin le plus nécessaire
La genèse de l’aménagement des jardins de Villandry illustre la volonté du nouveau propriétaire d’affirmer l’ancrage de l’architecture du château dans la Renaissance. Pour atteindre son objectif, les parterres les plus proches de la demeure doivent remémorer l’art du jardin du XVIe siècle. C’est donc dans ce style que le Potager et les jardins d’Ornement sont pensés.
L’écueil de taille auquel Joachim Carvallo est confronté est que les jardins du XVIe siècle ont tous été remodelés au fil du temps, aucun jardin existant ne peut servir de modèle. En homme de sciences, Joachim Carvallo s’appuie alors sur une méthodologie rigoureuse qui combine approche pratique du terrain et documentation historique abondante, dont Les Plus Excellents Bâtiments de France de Jacques Ier Androuet du Cerceau ou le Monasticum Gallicanum. Parmi les gravures anciennes, celles du château de Bury montrent des jardins dominés par les lois de la perspective architecturale et de la géométrie ; l’espace est un quadrilatère divisé en parquets réguliers -terme de la Renaissance française qui désigne des carrés de verdure à motifs- séparés les uns des autres par des allées parallèles et perpendiculaires ; l’impression générale est celle d’un somptueux tapis d’extérieur destiné à accueillir la promenade agrémentée par un mobilier de jardin pour le repos et d’architectures de treillage pour l’ombre.
Selon Joachim Carvallo, « de tous les jardins, le premier en ordre d’importance, parce que c’est le plus nécessaire, est le potager ». Ses jardins de Villandry sont en accord avec sa pensée, puisque le Potager est la pièce maîtresse de son projet, celle autour de laquelle s’organisent les 6 autres jardins.
Le Potager d’Ornement de Villandry, une réinterprétation audacieuse du jardin de la Renaissance
Le quadrilatère situé au niveau le plus bas du jardin, délimité par 3 terrasses formant comme un cloître, réunit toutes les qualités pour accueillir un potager : surface plane et étendue, en contrebas du terrain ce qui facilitera la conduite de l’eau d’arrosage, située à proximité et au niveau des écuries, donc proche d’une source d’amendement naturel des sols, préservée des vents froids grâce aux murs de soutènement des niveaux supérieurs bénéficiant ainsi d’un climat tempéré. Ces mêmes qualités en font un espace parfait pour la création d’un jardin de type Renaissance française.
La campagne de travaux engagée pour métamorphoser le parc à l’anglaise du XIXe siècle est dantesque. Abattre les grands arbres, retourner le terrain, rechercher les fondations des trois niveaux de terrasses de la Renaissance, consolider les contreforts, créer le réseau d’adduction d’eau pour les futures fontaines, niveler, planter au cordeau, maçonner…
Le résultat est spectaculaire. Conformément au plan d’intention, le Potager s’inscrit dans un quadrilatère presque régulier divisé en 9 parterres. Chaque parterre possède son motif géométrique propre réalisé avec de petits buis. La circulation du promeneur et des jardiniers est permise grâce aux allées perpendiculaires et parallèles aux intersections desquelles sont disposés de petits bassins quadrilobés animés d’un charmant jet d’eau bouillonnant. Des alcôves de treillage habillées de plantes grimpantes abritant des bancs complètent le décor.
Pour sa création, l’audacieux propriétaire opte pour une plantation mixte légumes-fruitiers-fleurs, « utiles et agréables à la vie, rangées avec ordre et méthode pour en assurer l’exploitation et permettre à l’homme de jouir des délices de la nature cultivée. » Le choix des légumes est un jeu d’équilibre : il faut sélectionner les variétés en fonction de leur vitesse de développement et de la palette de couleurs que l’on souhaite déployer afin que tous les motifs soient mis en valeur simultanément. Ce jardin est donc un défi permanent pour les jardiniers qui ne disposent que d’un très court laps de temps pour renouveler l’ensemble des végétaux une fois que ceux-ci ont dépassé leur maturité.
Le Potager peut être contemplé depuis les pergolas couvertes de vigne qui le surplombent, elles permettent « de voir à l’ombre et dans la fraîcheur l’œuvre intelligente du plan ». C’est sans doute depuis les différents étages du château que les motifs se révèlent le mieux. Plus le niveau est élevé, plus les motifs se dévoilent.
La découverte du Potager éveille le sens du goût et rappelle que Joachim Carvallo voyait dans le Potager comme « une table bien servie ».
Ainsi, le Potager d’Ornement de Villandry n’est pas une reconstitution mais une réinterprétation ou une revisite des jardins de la Renaissance.
Modes de culture
Depuis 2009, les pratiques horticoles ont été revues pour devenir intégralement écoresponsables. Les jardiniers ont intégré dans leurs usages le désherbage manuel, l’abandon des insecticides chimiques, l’utilisation de fongicides naturels, la fertilisation organique, le travail de préparation du sol…
Chaque année deux plantations sont effectuées, l’une de printemps, qui reste en place de mars à juin, l’autre d’été, de juin à novembre.
La disposition des légumes est renouvelée à chaque plantation en respectant, d’une part, les contraintes d’harmonisation des couleurs et des formes, d’autre part, les contraintes horticoles, qui imposent une rotation triennale des plantations, afin de ne pas appauvrir le sol.
L’irrigation est assurée par un système d’arrosage automatique enterré.
Ces pratiques vertueuses ont eu pour effet un retour et un développement très significatif de la biodiversité. La présence de plus de 90 espèces d’oiseaux en est la preuve vivante. D’ailleurs, le château de Villandry a reçu la labellisation « Refuge LPO » en 2012.
Composition botanique du Potager
Buis
Les buis sont utilisés à Villandry pour le tracé des motifs géométriques des parterres.
Depuis 2016, les buis sont renouvelés progressivement pour remplacer les buis attaqués par la chenille de la pyrale (Cydalima perspectalis) qui se nourrit exclusivement de buis, des tendres feuilles jusqu’à l’écorce. L’objectif est d’identifier la variété la plus résistante aux maladies et aux nuisibles. La recherche de traitements ou de prédateurs se poursuit. Un espoir est permis avec l’introduction de Buxor, un traitement naturel qui repose sur l’introduction de larves de chrysopes vertes (Chrysoperla lusicania), prédatrices naturelles de la pyrale, dont l’alimentation se compose d’œufs et de larves.
Quatre variétés de buis sont présentes dans le Potager d’Ornement :
- Betterbuxus Heritage
- Buxus Microphylla Faulkner
- Betterbuxus Babylone Beauty
- Betterbuxus Renaissance.
Au total, ce sont 52.728 sujets qui sont plantés dans le Potager. Le dessin le plus simple emploie 4328 pieds quand le plus complexe en emploie 7400. Le cumul représente plus de 7 kilomètres linéaires de buis entretenus avec soin par les jardiniers afin que les motifs demeurent lisibles tout au long de l’année.
Arbres fruitiers
Deux types d’arbres fruitiers sont présents dans le Potager.
144 poiriers taillés en quenouille confèrent de la verticalité au Potager. On dénombre dix variétés :
- Poiriers beurrés Hardy
- Poiriers Doyenné du Comice
- Poiriers Williams rouge et Comtesse de Paris
- Poiriers Jeanne d’Arc
- Poiriers Super Comice
- Poiriers Delbard gourmande
- Poiriers Louise Bonne d’Avranches
- Poiriers conférence
- Poiriers Bon chrétien Williams.
Les allées principales du Potager sont soulignées par 1 kilomètre de pommiers taillés en cordon. Une variété de pommier par carré potager soit neuf variétés différentes :
- Reagli
- Reinette grise du Canada
- Delbard estival
- Pomme des moissons
- Delbard tardive
- Cybelle
- Tentation
- Jubilé
- Idared.
Fleurs
Le fleurissement du Potager d’Ornement se décompose en plantations permanentes et plantations saisonnières.
324 rosier-tiges constituent le fleurissement permanent. Le nuancier va du rouge profond au jaune en passant par l’oranger et le rose. Vingt-et-une variété de rosiers se trouvent dans le Potager parmi lesquelles les variétés Criterion, Léonard de Vinci, Suneva, Syvlie Vartan, Victor Hugo, Ingrid Bergman, Grand huit, Traviata, Prestige de Bellegarde, Amber Queen, Christophe Colomb, Lavender Dream, Marie Curie floribunda, La Sevillana.
C’est au cœur des motifs géométriques qu’est installé le fleurissement saisonnier. Celui-ci varie au Printemps et en Été soit autour du tons « soleil » soit autour du ton « lavande et rouge » selon les carrés.
Le ton « soleil » est obtenu en plantant au printemps des narcisses early Flame et Dick Wilden, des tulipes Big Smile et Dordogne alliés à des cerastiums, des giroflées, des myosotis, des pensées, des primevères, des violas. En été, le ton « soleil » est le résultat d’une composition de coreopsis, de bidenspsis, de sauges bleues, de rudbechias, d’abutilons, de pennisetums.
Pour le ton « lavande et rouge » printanier, les jardiniers opèrent un savant mariage de tulipes Don Quichotte et Queen of night, de narcisses Obdam et Mout hood sur fond de cerastium, de pâquerettes, de myosotis bleus, de pensées, de nepetas, de violas. En été, les bégonias rouges et les verveines venosa prennent le relai.
Légumes
Quarante espèces de légumes appartenant à huit familles botaniques sont utilisées chaque année. Plus de 50% des plants sont préparés par les jardiniers dans les serres du château (semis, repiquage).
Le printemps est la saison des salades – Batavias blondes, bronze, Clarinski, Feuilles de chêne hussardes, rouges, vertes, Laitue Cletuce, Iceberg, Lollo Aleppo, Lolla rossa, romaines vertes, romaines rouges, Théodore – qui déploient leur palette de verts et de brun. C’est aussi la saison des légumes primeurs : carottes, épinards, fèves, petits pois.
En été, la palette des plantations s’élargit pour s’exprimer pleinement en septembre lorsque le Potager est à son apogée. Dans les différents carrés sont donc répartis : des aubergines (blanche Clara, longue violette, ronde de Valence, striée Rania) ; céleris (doré Day Break, Percel, rave) ; choux (noir de Toscane, pigeon blanc, pigeon pourpre, rave Kolibri, Redbor, rouge Buscaro, Vitesse) ; fenouils ; poireaux ; ciboulettes ; périllas (bicolore, de Nankin) ; cardons ; poirées (à cadre orange, rouge, blanche) ; piments et poivrons (Elsa jaune, organge Cubo, rouge vif d’Etampes) ; tomates (cerise apéro, cornue des Andes).
L’hiver est le moment du repos du sol et du travail de préparation du cycle suivant
Pas à pas dans les jardins de Villandry
Où irez-vous ensuite ?